La Montagne de Reims, écrin vivant au cœur de la Champagne, repaire des passionnés de biodiversité

2 octobre 2025

Des forêts anciennes, véritables refuges de vie


Le parc naturel régional de la Montagne de Reims couvre aujourd’hui quelque 53 000 hectares, s’étirant sur 70 communes (Source : PNR Montagne de Reims). Sa colonne vertébrale ? Un vaste plateau boisé, couronné de hêtraies et ponctué de failles calcaires. Ici, 40% de la surface est recouverte de forêts, dont certaines sont classées Natura 2000. C’est dans ces bois, parfois impénétrables, que se cachent nombre d’espèces emblématiques mais aussi discrètes.

La hêtraie, hostesse principale du massif, accueille un cortège d’êtres vivants d’une grande diversité :

  • Le hêtre tortillard : Ces arbres aux troncs incurvés sont aussi surnommés “Faux de Verzy”. On en recense 1 000 à 2 000 spécimens dans le parc, soit la plus forte concentration mondiale (Source : INRAE, Office National des Forêts). Leur origine reste un mystère fascinant pour les botanistes.
  • Le chat forestier : Ce félin discret, rare en France, trouve un refuge dans ces sous-bois épais, tout comme la genette et la martre.
  • De nombreuses chauves-souris : Pas moins de 16 espèces recensées, parfois rares et menacées ailleurs en Europe.
  • Une myriade de champignons et de mousses : La richesse en espèces cryptogamiques place la Montagne de Reims sur la carte des forêts d’exception.

L’atmosphère y est singulière. Humide, ombragée, parcourue de sentiers secrets. S’y promener, c’est entendre le pic noir tambouriner, découvrir au détour du chemin le lierre grimpant centenaire, voir parfois s’envoler, dans un silence ouaté, une chouette hulotte surprise en plein jour.

Des écosystèmes rares, entre vignes et zones humides


Le PNR de la Montagne de Reims tire toute son originalité de la juxtaposition de différents milieux :

  • La forêt tempérée : Principalement composée de hêtres, mais aussi d’érables, de charme, et de rares ifs centenaires.
  • Les vignes classées : Sur les coteaux exposés sud, elles sont à l’origine des plus grandes maisons de Champagne, mais abritent aussi des insectes et plantes liés à la gestion agroécologique récente.
  • La Champagne humide : Zones de mares, marais tourbeux, roselières… autant de refuges pour une faune aquatique parfois en fort déclin ailleurs.

Parmi les espèces et paysages à ne pas manquer, la réserve naturelle des Faux de Verzy étonne par son ambiance quasi féérique. Mais il faut aussi citer la Tourbière de la Noirlieu, oasis pour les plantes rares (rossolis à feuilles rondes, droséras carnivores, orchisées sauvages), et pour des papillons aussi précieux que le fadet des tourbières.

Les vignes, quant à elles, sont devenues des laboratoires vivants pour concilier production et préservation : de nombreuses initiatives voient le jour pour limiter l’usage de pesticides, restaurer les haies, développer les couverts fleuris… Avec à la clé, le retour d’espèces comme la linotte mélodieuse ou la huppe fasciée, et un sol vivant sous les pieds des vignerons.

Faune et flore remarquables : des chiffres et des surprises


  • 600 espèces de plantes supérieures (PNR Montagne de Reims), dont bon nombre rares ou protégées, comme l’osmonde royale ou l’orchis moucheron.
  • 127 espèces d’oiseaux (Source : LPO Champagne-Ardenne), dont le faucon pèlerin, le pic mar, la bondrée apivore.
  • Environ 400 espèces de champignons recensées : dont des bolets, des amanites mais aussi d’étonnantes espèces microscopiques peu visibles à l’œil nu.
  • La loutre d’Europe fait son retour sur certains cours d’eau du parc — un indicateur de bonne qualité écologique !

L’abeille noire, localement présente, fait aussi l’objet de programmes de sauvegarde. À certaines heures du printemps, le vrombissement du grand bombyle croise le déploiement soyeux du papillon azuré, sur les prairies maigres qui ourlent la forêt.

Des actions concrètes pour la protection de la biodiversité


Ce qui distingue la Montagne de Reims, ce n’est pas seulement sa variété d’espèces, mais la force de ses initiatives pour les préserver :

  • 11 sites Natura 2000 couvrant 6 000 hectares, notamment pour protéger les milieux forestiers et humides.
  • La Charte du Parc : Un document-cadre engageant les communes et acteurs économiques vers des pratiques durables, renouvelée en 2022 avec pour priorités la préservation du vivant et l’adaptation au changement climatique (Conseil départemental de la Marne).
  • Programme “Zones Non Traitées” : Incitation des propriétaires viticoles à laisser des bandes naturelles sans produits chimiques pour préserver les insectes pollinisateurs et les petits mammifères.
  • Éducation à l’environnement : chaque année, près de 250 ateliers pour scolaires et visiteurs, animés dans la Maison du Parc ou directement sur le terrain.
  • Réintroduction et suivi d’espèces : surveillance du balbuzard pêcheur et du castor, relance du pâturage extensif pour éviter la fermeture des milieux ouverts.

La rencontre avec un terroir vivant : traditions, vignobles et initiatives locales


Impossible de parler du parc naturel régional de la Montagne de Reims sans évoquer la culture du champagne. Mais ici, la vigne n’écrase pas le reste : elle dialogue avec la nature, se réinvente. Nombre de maisons prestigieuses — dont certaines sont classées au patrimoine mondial de l’UNESCO — s’engagent aujourd’hui dans des démarches de viticulture durable :

  • 60% des viticulteurs engagés en certification environnementale (HVE, Viticulture Durable en Champagne) selon le Comité Champagne 2023.
  • Développement de l’agroforesterie : création d’“îlots de biodiversité” entre les rangs de vigne (mare, haies, vergers conservatoires).
  • Écotourisme en plein essor : balades guidées, hébergements “bulle” en pleine nature, apéros dans les faux… l’offre se diversifie et sensibilise les visiteurs à la préservation des milieux.

Ajoutez-y les fêtes patronales dédiées à l’osier, les initiatives pour la sauvegarde des savoir-faire (haubannage des faux, construction en torchis-chanvre), et la richesse des petits marchés où l’on déniche autant des lentillons de la Champagne que du miel toutes fleurs issu directement du parc.

Randonner, observer, participer : comment découvrir la biodiversité du parc


  • 40 sentiers balisés, représentant 350 kilomètres, permettent de parcourir le parc à pied, à vélo ou à cheval.
  • Des sentiers thématiques, comme le circuit des Faux de Verzy ou le chemin de la Sensée, offrent une immersion sensorielle (air saturé de chlorophylle, odeur de sous-bois, bruissement du vent dans les feuilles torsadées…)
  • Visites accompagnées avec la Maison du Parc, dont des “sorties crépusculaires” à la découverte des bruits de la forêt et l’observation (respectueuse) de la faune nocturne.
  • Participation possible à certains comptages participatifs : oiseaux migrateurs, libellules, plantes rares (en partenariat avec la LPO et les associations locales).

Un moment particulier : au printemps, quand le flanc sud du massif se couvre de tapis d’anémones sylvie et de violettes, et que la lumière rasante fait danser les ombres sous les faux, la Montagne de Reims se pare d’une magie fragile, que seuls connaissent vraiment ceux qui prennent le temps d’observer sans déranger.

Un avenir qui s’invente : biodiversité et changements climatiques


À l’heure où la Champagne subit une hausse moyenne des températures de 1,6°C en 50 ans (Observatoire Climat Champagne), la question n’est plus “de quoi la Montagne de Reims est capable en matière de biodiversité”, mais : “comment la préserver, l’adapter ?”.

Le parc multiplie les plans de gestion adaptative : création d’étangs tampons, surveillance renforcée des parasites émergents, reforestation par essences résilientes (mélèze, cèdre…), et expérimentation de corridors écologiques pour fixer le tissu vivant. Car ici, la biodiversité n’est pas un label ou un argument touristique — c’est une promesse partagée, renouvelée à chaque saison, entre habitants, vignerons, promeneurs et défenseurs de la nature.

Perspectives : la Montagne de Reims, laboratoire du vivre-ensemble avec la nature


Le parc naturel régional de la Montagne de Reims séduit d’abord par sa beauté, sa singularité, son atmosphère paisible. Mais c’est sa capacité à expérimenter, à fédérer des énergies pour préserver la vie sous toutes ses formes, qui en fait un modèle singulier. Chacun y trouve sa place : amoureux de la vigne, chercheurs de lichens, familles en quête de forêt magique, habitants fiers de leur patrimoine.

Aller sur la Montagne de Reims, c’est repartir les bottes parfois crottées, l’esprit enrichi, le regard aiguisé par la délicatesse du vivant… en espérant être, à son échelle, l’un de ses passeurs d’avenir.

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