Gardiens discrets : plongée au cœur des actions locales pour la biodiversité en Occitanie

18 octobre 2025

Un territoire engagé : comprendre les enjeux de la biodiversité occitane


Avant de s'intéresser aux actions, prenons la mesure des enjeux : l’Occitanie, seconde région de France en superficie, concentre 1 500 espaces naturels recensés (Source : DREAL Occitanie), dont 94 réserves naturelles et 41 parcs nationaux, régionaux ou marins. Cela représente plus d’1,5 million d’hectares protégés, soit près de 18% du territoire régional. Cette mosaïque abrite plus de 4 000 espèces animales et près de 3 000 espèces végétales, dont la moitié a un statut patrimonial ou protégé (Conservatoire Botanique Sud-Atlantique).

Pourtant, 32% des habitats naturels sont jugés menacés en région (OFB, Office Français de la Biodiversité), avec une pression forte due à l’urbanisation, à l'agriculture intensive, aux incendies, ou encore au tourisme mal maîtrisé. L’urgence se lit, par exemple, dans la disparition de la Pie-grièche à poitrine rose (LPO Occitanie). Face à ces risques, la mobilisation locale est plus que jamais cruciale.

Inventer la protection au quotidien : quand les habitants deviennent acteurs


Sciences participatives : tout le monde peut compter

S’y promener, c’est déjà contribuer : dans les espaces naturels d’Occitanie, les observatoires citoyens se multiplient. Exemple emblématique : le programme "Faune Occitanie", piloté par la LPO, le CEN et le Parc Naturel Régional des Grands Causses. Il invite randonneurs, habitants et scolaires à signaler leurs observations d’animaux ou de plantes via une appli simple. Depuis 2018, plus de 310 000 données ont été saisies, permettant de mieux cibler les actions : protections de mares temporaires pour les crapauds calamites, régulation douce de sentiers à tortues, etc.

  • Les Ateliers de la Biodiversité mobilisent aussi les jardiniers amateurs pour recenser les papillons ou analyser les pollens. À Cazilhac, une micro-forêt a même été plantée suite à la découverte d’espèces rares recensées par les citoyens.

Chantiers participatifs et écovolontariat

Entre Cévennes et Lauragais, de nombreux chantiers nature invitent bénévoles et touristes à rejoindre des actions concrètes :

  • Nettoyage des plages du Golfe du Lion : chaque été, plusieurs tonnes de plastiques sont collectées à Port-la-Nouvelle et Banyuls grâce à des associations locales comme Label Bleu ou Surfrider.
  • Coupes sélectives de genévriers (Gorges du Tarn) : encadrées par le PNR et le Conservatoire d’espaces naturels, ces actions restaurent les milieux ouverts indispensables aux rapaces comme le Circaète Jean-le-Blanc.

Zones refuges : le rôle clé des réserves naturelles et des parcs régionaux


Loin de l’image d’espaces “figés”, réserves et parcs multiplient les expériences collaboratives.

Gérer pour concilier et préserver

  • Réserve naturelle du Mas-Larrieu (Pyrénées-Orientales) : ici, le pâturage contrôlé par des troupeaux ovins remplace la débroussailleuse, limitant l’embroussaillement, restaurer les prairies humides et favoriser le retour de la cistude d’Europe. Un partenariat associe éleveurs, naturalistes et collectivités.
  • Le Parc Naturel Régional du Haut-Languedoc a mis en place en 2022 un réseau de “sentinelles végétales” : des habitants formés alertent sur la présence de plantes invasives, permettant une intervention avant propagation.

Faune fragile : réintroduction et corridors écologiques

Certains symboles régionaux menacés sont l’objet de programmes spectaculaires.

  • Le Gypaète barbu (plus grand vautour d’Europe), disparu des Pyrénées françaises depuis plus d’un siècle, a été réintroduit depuis 2012 via un partenariat entre la LPO, l’OFB et la Fundació para la Conservació del Quebrantahuesos (FCQ Espagne). Plusieurs couples volent aujourd’hui entre Ariège et Hautes-Pyrénées.
  • Loutre d’Europe : suivie par l’Observatoire régional, sa recolonisation de la Garonne et du Tarn a été facilitée par l’aménagement de “passages à faune” sous les routes départementales. Près de 13 000 passages de ce type ont été recensés à l’échelle régionale (Source : CEN Occitanie, rapport 2022).

Pour une agriculture vivante : gérer la terre autrement


Sauver la biodiversité, c’est aussi revoir nos façons de produire. En Occitanie, près de 86 000 exploitants agricoles déclinent la tradition en version durable : agriculture biologique (première région de France avec 30% de surface bio - Source : Agence Bio 2023), agroforesterie, maintien de haies, ruchers-pilotes ou retour des races rustiques.

Initiatives agricoles et biodiversité

  • Réseau Dephy Ferme : des dizaines d’agriculteurs, autour de Carcassonne ou Narbonne, expérimentent cultures sans pesticides, semis de couverts fleuris, rotation céréalière et accueil des rapaces pour lutter naturellement contre les ravageurs.
  • Chantier “Cabanes et mares” : dans le Gers, élèves et agriculteurs restaurent mares et bosquets, refuges pour amphibiens, hérissons et chauves-souris, sous l’impulsion du CPIE Pays Gersois.

Pastoralisme et maintien de paysages ouverts

Près du causse Méjean, des troupeaux de brebis entretiennent prairies et pelouses sèches méditerranéennes, évitant l’enfrichement propice aux incendies et favorisant l’épanouissement d’orchidées rares (23 espèces recensées sur le seul causse Noir – Source : Parc National des Cévennes).

Partager, informer, transmettre : l’éducation à la nature, moteur du changement


Sentiers pédagogiques et animations locales

  • La Maison de la nature de Lattes (Hérault) accueille chaque année 15 000 visiteurs, propose des ateliers sur la préservation des zones humides où petits et grands fabriquent abris à hérissons, hôtels à insectes ou se forment à la reconnaissance d’espèces.
  • Le Sentier des Orchidées du Lauragais propose chaque printemps des balades guidées, permettant de voir 25 espèces d’orchidées sauvages et comprendre leur rôle méconnu pour les pollinisateurs.

Art et Nature : un dialogue vivant

  • Festival Résurgence – Terre de Cirque (Lodévois) : performances d’artistes, land art et ateliers immersifs pour sensibiliser à la faune des causses de façon créative.
  • Ateliers “Land art” dans les gorges de l’Hérault : création collaborative d’œuvres éphémères en galets ou végétaux, pour changer le regard sur le paysage.

Le réseau, la clé : collaborer à l’échelle du territoire


Ce qui rend l’Occitanie particulièrement dynamique, c’est la capacité à tisser du lien entre acteurs publics, associations, agriculteurs, chercheurs et habitants. L’outil phare : les contrats de territoire pour la biodiversité, lancés par la Région et pilotés localement. Entre 2020 et 2023, plus de 7 000 actions ont été menées (Source : Région Occitanie), allant de la restauration de lagunes littorales en Camargue gardoise à la création de jardins partagés en périphérie de Toulouse.

À noter également, la mise en place de plateformes collaboratives comme Biodiv’Occitanie, qui connecte gestionnaires, naturalistes, enseignants et curieux pour mutualiser données, bonnes pratiques et retours d’expériences sur la préservation de la biodiversité.

Perspectives : inventer un tourisme à impact positif


L’avenir de ces espaces protégés se joue aussi dans les choix touristiques : pour limiter leur impact, plusieurs initiatives naissent.

  • Charte du randonneur : élaborée avec la Fédération Française de la Randonnée et le Parc Naturel Régional du Haut-Languedoc, elle sensibilise près de 20000 promeneurs chaque année sur le respect de la flore fragile, le balisage ou la non-perturbation des oiseaux nicheurs.
  • Écotourisme : des hébergeurs, comme les écolodges de la vallée du Tarn, associent découverte douce (randos nature, observation guidée des grands rapaces, ateliers cuisine sauvage) et implication dans la gestion locale des espaces sensibles.

Ainsi, l’Occitanie démontre que la préservation de la nature peut prendre mille formes, à condition qu’elle soit portée par une véritable implication locale. Ces initiatives tissent de nouveaux récits et permettent à chacun, habitant ou visiteur, de devenir acteur à son échelle. La biodiversité d’ici, si singulière, tient aussi à ce regard collectif et à cette vigilance partagée : gardons, cultivons et faisons fleurir ces élans vivants partout où le Sud respire encore pleinement.

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