Auch autrement : voyage à travers les trésors architecturaux de la capitale gasconne

18 juillet 2025

Les racines antiques d’Auch : quand l’histoire façonne la ville


Aux portes de la vallée de la Garonne, Auch dresse fièrement son cœur de pierre et ses toits rouges. Si son nom évoque immédiatement d’Artagnan et la Gascogne, sa silhouette dévoile une histoire qui remonte bien au-delà des mousquetaires. Capitale de la cité gallo-romaine d’Elusa (l’actuel site d’Eauze, à quelques kilomètres à vol d’oiseau), Auch trouve ses origines il y a plus de 2 000 ans. Dès l’Antiquité, sa position stratégique sur un promontoire dominant le Gers en a fait un point névralgique pour les échanges, la surveillance et la défense.

Les fouilles menées sous la place Salinis et la cathédrale ont révélé les vestiges d’un forum et de thermes antiques : vestiges ténus mais fondamentaux, qui jalonnent la mémoire enfouie d’une ville « passerelle » entre Aquitaine, Pyrénées et Méditerranée (source : Ministère de la Culture).

La cathédrale Sainte-Marie : chef-d’œuvre inclassable


Impossible d’évoquer Auch sans s’arrêter devant son joyau : la cathédrale Sainte-Marie. Classée Monument Historique et inscrite au Patrimoine mondial de l’UNESCO au titre des Chemins de Saint-Jacques-de-Compostelle (UNESCO), elle domine la ville depuis la fin du XVe siècle. Presque quatre siècles de travaux (1489-1680 !), nécessaires pour rassembler les savoir-faire successifs du gothique flamboyant, de la Renaissance et du baroque.

  • Sa façade arbore trois puissants portails sculptés, où se mêlent motifs religieux, colonnettes et dragons fantasmagoriques.
  • Son chœur abrite un incroyable ensemble de stalles en chêne sculpté (1 500 personnages, animaux et scènes bibliques découpés à la gouge, selon l’historien J.-P. Sourzac).
  • Les 21 vitraux signés Arnaud de Moles (1507-1513) baignent la nef d’une lumière bleutée et mystérieuse, leur précision iconographique rendue célèbre auprès des collectionneurs du monde entier.

Le nombre de fragments de vitraux, leur iconographie, la parenté des motifs avec la Renaissance italienne : autant d’éléments qui font de Sainte-Marie une cathédrale tout à la fois gasconne et universelle (Office de Tourisme d’Auch).

L’escalier monumental : passerelle entre ville haute et ville basse


Perpendiculaire à la cathédrale, l’escalier monumental offre une expérience inoubliable à qui veut « prendre la ville à la verticale ». Construit en 1863 pour relier la ville basse commerçante à la ville haute épiscopale, il épouse le relief naturel sur 35 mètres de dénivelé et 374 marches, ponctuées de terrasses offrant des vues spectaculaires sur la vallée du Gers.

C’est ici, sur la première plateforme, qu’un étonnant bronze de d’Artagnan (réalisé par Firmin Michelet) accueille les visiteurs, sabre au vent, clin d’œil à l’enfant du pays devenu mythe mondial. En descendant ces marches, on mesure l’élan d’Auch, cette tension permanente entre tradition et modernité, entre le « haut » du pouvoir ecclésiastique et le « bas » du foisonnement populaire.

La Tour d’Armagnac et la justice des archevêques


À quelques pas de la cathédrale se dresse la mystérieuse Tour d’Armagnac. Construite au XIVe siècle, elle n’a rien d’un simple donjon. Haute de 40 mètres, avec ses murs de 2,2 mètres d’épaisseur, elle fut tour à tour prison ecclésiastique (jusqu'au XIXe siècle), salle de garde et lieu de refuge pendant les troubles du Moyen Âge.

  • Ses parties basses conservent des graffiti de prisonniers datant du XVIIe siècle.
  • La terrasse sommitale offre l’un des plus beaux points de vue sur le labyrinthe des toits auscitains.
  • Son architecture gothique rappelle que les archevêques d’Auch détenaient un pouvoir quasi régalien sur les terres de Gascogne, rivalisant souvent avec les comtes voisins d’Armagnac (Base Mérimée).

Les rues médiévales et leurs hôtels particuliers cachés


En quittant les monuments majeurs, on plonge dans un capharnaüm de ruelles tortueuses. Les noms rappellent les vieux métiers meurtris par le temps : rue Dessoles (l’ancienne « grande-rue » commerçante, balafrée d’arcades médiévales), rue de l’Intendant-Bisgard, rue du Pouy.

  • Les pousterles : ces étroits passages pentus (du latin « posterula », petite porte) assuraient la liaison rapide entre ville haute et ville basse, échappant ainsi aux assauts et crues perpétuelles du Gers.
  • Les hôtels particuliers gascons : derrière d’épaisses façades en pierre, la cour intérieure est souvent protégée par une galerie à pans de bois (parfois classés MH), héritée de la tradition de la maison à colombages. L’hôtel de France (XVIIIe), l’hôtel d’Astorg (début XVIIe), ou celui de Montesquiou, racontent la montée en puissance d’une bourgeoisie marchande sous l’Ancien Régime et la Révolution.

Plusieurs de ces demeures affichent fièrement leur date de construction incrustée sur les clefs de voûte ou les linteaux, témoignage d’une ville où chaque pierre est archiviste.

L’abri des couvents et des cloîtres


La puissance ecclésiastique d’Auch trouve un écho dans la densité de ses anciens couvents et cloîtres, en partie sauvés des affres du temps.

  • Le cloître des Cordeliers (refaçonné au XVe siècle), à l’ombre de ses galeries gothiques, a accueilli successivement des franciscains, un séminaire, puis la bibliothèque municipale (aujourd’hui fermé : projet de réhabilitation en cours).
  • Le cloître de Saint-Orens (XIIIe-XVe), ancien monastère d’Augustiniens, déroule ses voûtes près de l’actuelle préfecture ; résonnent là les échos du concile provincial de 1429, lorsque les évêques du Sud-Ouest se réunissaient à Auch pour arbitrer les grands débats théologiques du siècle (Archives du Gers).

Si la plupart des couvents furent désaffectés à la Révolution, leur structure influence toujours la morphologie du centre de la ville actuelle, en révélant des jardins insoupçonnés et des murs habités de souvenirs.

Le pont de la Treille et les traces de l’eau dans la ville


Comme souvent en Occitanie, l’eau a rythmé la vie, la peur et l’essor d’Auch. Trois ponts médiévaux permettaient autrefois la traversée du Gers. Seul le pont de la Treille a conservé sa physionomie d’antan, une discrète arche du XIVe siècle, restaurée maintes fois, point de passage déjà cité dans les livres de comptes de la ville dès 1370.

Au fil du temps, l’agencement urbain intégra l’irrégularité du torrent, imposant des quais surélevés, des quais de pierre armés et ces fameuses maisons mitoyennes qui, vues depuis la rive, forment une sorte « d’escalier de maisons » alignées, typique du Sud-Ouest (Le Monde Voyage).

Quand la modernité épouse le patrimoine : théâtre et architecture contemporaine


Auch ne se contente pas de cultiver son passé. Dès le début du XXe siècle, la ville réinvestit ses lieux emblématiques : l’ancien palais archiépiscopal est transformé en préfecture et accueille toujours la salle des Illustres, décorée de portraits d’Auscitains célèbres.

  • Le Théâtre d’Auch (créé en 1932), joyau de style Art déco, mêle balcons arrondis, fresques et dorures dans un bâtiment de plus de 600 places, entièrement restauré en 2007.
  • Le centre Cuzin (2012) symbolise le dialogue entre patrimoine et modernité avec ses ailes vitrées et ses ouvertures sur l’ancien quartier juif de la ville basse, vestige d’une communauté puissante du Moyen Âge jusqu’au XVIe siècle.

On notera aussi les travaux réguliers de rénovation et de mise en valeur des façades qui, depuis les années 1980, permettent aux habitants de redécouvrir leurs propres racines architecturales (réhabilitation de plusieurs dizaines d’immeubles inscrits sur la liste des Monuments Historiques depuis 1984 – La Dépêche du Midi).

Anecdotes et pépites cachées : l’âme occitane en filigrane


  • Le célèbre jacquemart du clocher Sainte-Marie (siège de l’archevêché, aujourd’hui disparu) rythmait la vie de la cité de son automate sonore depuis le XVIIe siècle (Patrimoine Culturel).
  • Derrière le chevet de la cathédrale, une petite impasse conserve le souvenir du « Portail des Pauvres » où les familles dans le besoin venaient autrefois chercher pain et secours.
  • Sous la place Barbès, les caves labyrinthiques des anciens négociants de vin recèlent vestiges d’un immense marché couvert détruit par les crues en 1772.
  • Le musée des Amériques-Auch (ancien musée des Jacobins, ouvert en 1793) abrite la seconde plus grande collection d’art précolombien de France (Musée des Amériques-Auch), fruit d’explorations menées au XIXe siècle par d’audacieux Gascons.

Aujourd’hui : vivre la ville, entre patrimoine et initiatives locales


Visiter Auch, c’est toucher du doigt la complexité d’une ville qui ne s’endort jamais sur ses lauriers. Les marchés du jeudi (sous les halles) et du samedi (place de la Libération) réaniment les vieilles places, les “Marchés des Producteurs” mettent à l’honneur les circuits courts et la gastronomie du terroir. Initiatives citoyennes et associations, comme Auch en Transition, multiplient les projets pour redonner du sens à la préservation architecturale : apéros « rue des Arts », fresques urbaines, parcours commentés en occitan.

Chaque année, l’événement Patrimoine en Lumière (fin septembre) offre des déambulations nocturnes, révélant jeux de lumière sur les cours intérieures et jardins insoupçonnés, à la découverte de nouveaux trésors souvent ignorés même des Auscitains.

Oser Auch : invitation à la découverte et à l’exploration


Ville de pierre et de mémoire, capitale d’une Gascogne éternelle, Auch surprend par la richesse de son patrimoine architectural, mais aussi par sa capacité à le réinventer. Icônes majeures ou détails secrets, il suffit d’ouvrir les yeux pour que chaque fenêtre, chaque pierre, dévoile un récit. Que l’on soit passionné d’histoire, amateur de vieilles pierres ou fin gourmet, Auch réserve toujours des trésors à qui sait la parcourir pas à pas.

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